
Publié le 15 juin 2025
Laissez tomber les brochures et les excursions à la va-vite. On vous a vendu les Saintes comme une jolie carte postale à consommer en quelques heures, entre deux navettes. C’est une erreur. Cet archipel n’est pas un parc d’attractions, c’est une terre avec une âme, un rythme qui lui est propre et qui ne se dévoile qu’une fois le dernier bateau d’excursionnistes reparti. Si vous pensez avoir tout vu en une après-midi, vous n’avez rien vu. Vous avez survolé, pas vécu. Cet endroit, il faut le mériter un peu.
La Guadeloupe est un univers complexe, de la culture de la banane à la mémoire de la Route de l’Esclave, mais ici, aux Saintes, tout est façonné par la mer. Notre histoire, notre nourriture, notre caractère. Comprendre cet archipel, c’est comprendre notre lien avec l’océan. Ce guide est pensé pour vous, celui qui a compris qu’un lieu ne se visite pas, il se ressent. On va vous expliquer comment faire, où aller, et surtout, pourquoi prendre le temps est la seule façon de vraiment nous rencontrer.
Pour vous immerger dans l’atmosphère unique de notre archipel, la vidéo suivante vous offre un aperçu visuel de la beauté et de la quiétude des Saintes, complétant parfaitement les conseils de ce guide.
Cet article est conçu pour vous guider pas à pas dans la préparation d’un séjour qui a du sens. Voici les points essentiels que nous allons explorer ensemble :
Sommaire : Comprendre l’archipel des Saintes pour un séjour inoubliable
- Terre-de-Haut, Terre-de-Bas : le choix crucial pour vivre les Saintes authentiques
- Explorer les Saintes sans voiture : le guide de la mobilité locale
- Le Fort Napoléon : une leçon d’histoire des Caraïbes au-delà du panorama
- Le secret du Tourment d’amour : où savourer l’âme des Saintes ?
- Le guide des plages saintoises : trouver son coin de paradis
- La saintoise : l’histoire de cette barque emblématique qui danse sur les vagues
- Les techniques de pêche traditionnelles : l’héritage vivant des marins saintois
- La culture maritime en Guadeloupe : plus qu’un port, une identité
Terre-de-Haut, Terre-de-Bas : le choix crucial pour vivre les Saintes authentiques
La première question, la plus importante : Terre-de-Haut ou Terre-de-Bas ? Ne vous fiez pas aux apparences, ces deux îles sont deux mondes. Terre-de-Haut, c’est la vitrine. C’est là que tout le monde débarque. C’est animé, avec son bourg charmant, ses restaurants, ses boutiques. C’est magnifique, mais c’est aussi là que vous trouverez l’agitation que vous cherchez peut-être à fuir. C’est l’île de l’effervescence, idéale si vous aimez avoir de l’animation à portée de main.
Terre-de-Bas, c’est autre chose. C’est le silence, la nature brute, l’authenticité sans fard. On y vient pour la randonnée, la tranquillité, pour voir comment on vit vraiment ici, loin du flux touristique principal. Les deux îles sont très proches en superficie, avec environ 600 hectares pour Terre-de-Haut et 680 pour Terre-de-Bas, mais leur âme est radicalement différente. Votre choix définira entièrement votre expérience. Voulez-vous le cœur battant ou le poumon vert des Saintes ?
La décision n’est pas anodine. Terre-de-Haut vous offre la commodité, Terre-de-Bas vous offre le temps. Demandez-vous ce que vous êtes venu chercher : des rencontres et de la vie, ou une connexion profonde avec une nature préservée et une culture qui prend le temps de se livrer. C’est la clé d’un séjour réussi.
Explorer les Saintes sans voiture : le guide de la mobilité locale
Ici, la voiture n’a pas sa place. Oubliez ce réflexe. Nos routes sont étroites, notre environnement est fragile, et l’essence même de la découverte des Saintes réside dans un rythme lent. Se déplacer fait partie de l’expérience, ce n’est pas juste un moyen de transport. C’est l’occasion de sentir les alizés, de s’arrêter sur un point de vue imprévu, de saluer les gens que l’on croise. C’est ça, la vie insulaire.
Pour s’adapter à ce rythme, plusieurs options s’offrent à vous, chacune avec son propre charme. Il ne s’agit pas de choisir la plus rapide, mais celle qui correspond à votre manière de voyager. L’illustration ci-dessous vous donne un aperçu de l’ambiance de nos routes, où les deux-roues et les voiturettes sont rois.

Comme vous le voyez, la mobilité douce est notre philosophie. La voiturette électrique, par exemple, est une solution confortable et silencieuse, particulièrement pour les familles. Il faut compter environ 70 € par jour pour une voiturette électrique, un investissement pour votre tranquillité et celle de l’île. Le scooter, lui, offre une liberté totale pour s’aventurer sur les hauteurs et découvrir des panoramas à couper le souffle.
Nos solutions pour vous déplacer comme un Saintois :
- Se déplacer à pied pour les courts trajets et profiter des lieux essentiels.
- Louer un vélo pour explorer les chemins, avec vigilance sur les terrains en pente.
- Opter pour un scooter pour une liberté et rapidité accrues sur les routes étroites.
- Choisir la voiturette (voiture sans permis) pour plus de confort en famille ou en groupe.
- Utiliser les navettes maritimes pour les liaisons inter-îles.
Le Fort Napoléon : une leçon d’histoire des Caraïbes au-delà du panorama
Beaucoup montent au Fort Napoléon uniquement pour la photo. La vue sur la baie des Saintes, classée parmi les plus belles du monde, est certes spectaculaire. Mais s’arrêter à cela, c’est passer à côté de l’essentiel. Ce fort n’est pas qu’un point de vue, c’est une cicatrice de l’histoire, un témoin des batailles navales qui ont façonné les Caraïbes entre Français et Anglais. Chaque pierre ici a une histoire à raconter.
Prenez le temps de visiter le musée à l’intérieur. Il est petit, mais riche. Il ne parle pas seulement de canons et de soldats. Il parle de la vie des Saintois, de notre environnement, de la faune et de la flore qui nous entourent. C’est une clé de lecture indispensable pour comprendre l’archipel dans sa globalité. L’âme du lieu se trouve autant dans ses expositions que dans son jardin botanique peuplé d’iguanes impassibles.

Comme le rappelle l’Office de Tourisme des Saintes 2025 dans sa présentation de la visite officielle du Fort Napoléon :
Le Fort Napoléon offre non seulement une vue imprenable sur la baie des Saintes, mais aussi un musée passionnant qui raconte l’histoire militaire et culturelle de l’archipel.
L’entrée est modeste, seulement 7 € par personne selon le tarif officiel, un petit prix pour une grande leçon d’histoire et d’humilité face à la beauté du site. C’est un passage obligé pour quiconque veut comprendre où il a mis les pieds.
Le secret du Tourment d’amour : où savourer l’âme des Saintes ?
Le Tourment d’amour n’est pas un simple gâteau. C’est une histoire de femmes, de patience et de transmission. La légende dit que les femmes de marins préparaient ces douceurs pour consoler leurs hommes de leurs rudes journées en mer. C’est une génoise moelleuse, une confiture de coco, de goyave ou de banane, et une pâte sablée croustillante. Simple en apparence, mais tout est dans le tour de main.
Vous en trouverez partout à Terre-de-Haut, vendu par des Dames dans les rues du bourg, souvent depuis une glacière pour les garder au frais. Ne cherchez pas la « meilleure » adresse. Cherchez l’authenticité. La meilleure, c’est celle que vous achèterez à une femme qui vous sourira, qui vous racontera peut-être que c’est la recette de sa grand-mère. C’est ça, la véritable dégustation du Tourment d’amour.
L’expérience est simple mais puissante, comme le décrit si bien un voyageur conquis : « Le tourment d’amour, petite tarte sucrée fourrée à la confiture et surmontée d’un biscuit croustillant, est une spécialité incontournable, souvent dégustée encore tiède dans le bourg de Terre-de-Haut. » C’est exactement ça. Mangez-le sur le pouce, assis sur un muret face à la mer. C’est là qu’il révèle toute sa saveur : celle du réconfort et de la tradition.
Chaque bouchée est un morceau de notre patrimoine. En le dégustant, vous ne faites pas que goûter un gâteau, vous participez à une coutume qui se perpétue depuis des générations. C’est un acte de partage, un lien direct avec l’histoire intime de nos familles de pêcheurs.
Le guide des plages saintoises : trouver son coin de paradis
Aux Saintes, nous n’avons pas de plages immenses bordées de complexes hôteliers. Nos plages sont des criques, des anses, des secrets bien gardés. Chacune a son caractère, son heure, son ambiance. Le secret, c’est de ne pas toutes les faire, mais de choisir celle qui vous correspond et d’y prendre son temps, du matin jusqu’au soir, pour la voir changer avec la lumière.
Oubliez la foule. Si vous restez dormir sur l’île, vous aurez le privilège de découvrir ces plages presque seul, tôt le matin ou en fin d’après-midi, quand la lumière est la plus douce. C’est là que la magie opère. L’eau devient cristalline, le sable s’adoucit, et le silence n’est rompu que par le bruit des vagues. C’est un luxe que les visiteurs d’un jour ne connaîtront jamais.
Chaque plage a sa spécialité. Pompierre est familiale et protégée, Grande Anse est sauvage et puissante, et le Pain de Sucre est un aquarium naturel. Ne vous contentez pas de poser votre serviette. Explorez, marchez le long du rivage, discutez avec les quelques locaux présents. Nos plages ne sont pas que du sable, ce sont des lieux de vie et de rencontre.
Notre sélection pour trouver votre plage idéale :
- La plage de Pompierre : idéale pour la baignade en famille avec ses eaux calmes protégées par une barrière de rochers.
- La plage de Grande Anse : large étendue de sable idéale pour le bodyboard et la baignade.
- La petite plage du Pain de Sucre : réputée pour ses fonds marins riches parfaits pour le snorkeling.
La saintoise : l’histoire de cette barque emblématique qui danse sur les vagues
Regardez attentivement les bateaux dans la baie. Vous verrez des embarcations fines, colorées, avec une voile haute et triangulaire. C’est la saintoise. Ce n’est pas un simple bateau de pêche, c’est l’héritage de nos ancêtres, un chef-d’œuvre d’ingénierie maritime adapté à nos eaux. Elle est le prolongement de la main du pêcheur saintois, un outil et un symbole de notre fierté.
L’histoire de ce bateau est fascinante. Comme le résume bien l’encyclopédie Wikipédia dans son article dédié à la Saintoise :
La saintoise, conçue par des charpentiers bretons au XVIIIe siècle, est un bateau traditionnel adapté aux conditions maritimes des Antilles, combinant tradition et adaptation moderne avec l’insertion du moteur hors-bord dès les années 1960.
Cette évolution du bateau, de la voile pure au moteur, montre notre capacité d’adaptation sans jamais renier notre héritage. La forme est restée, l’efficacité a été augmentée. Le bois, les couleurs vives, la ligne effilée… tout est pensé pour la vitesse, la stabilité et l’efficacité dans les creux des vagues du canal des Saintes.

Adaptation de la saintoise à la motorisation
Un moment clé de cette évolution a eu lieu dans les années 1960. C’est à ce moment qu’Alain Foy, un charpentier de marine d’ici, a eu l’idée de génie d’adapter la coque traditionnelle à voile pour y ajouter un moteur. Il a ainsi créé une version motorisée qui a optimisé la stabilité et a révolutionné l’usage du bateau pour la pêche et le transport entre les îles, marquant un tournant pour toute notre communauté.
Les techniques de pêche traditionnelles : l’héritage vivant des marins saintois
La pêche aux Saintes n’est pas une industrie, c’est un artisanat. Un savoir-faire transmis de père en fils, basé sur l’observation du temps, des courants, de la lune. Le pêcheur saintois ne se bat pas contre la mer, il compose avec elle. Il la lit, il l’écoute. Chaque sortie est une discussion avec les éléments, une quête humble et respectueuse.
Les techniques sont variées et précises, adaptées à ce que la mer veut bien donner. Le casier pour les langoustes au fond, la ligne à main pour sentir la touche de la coryphène, le filet pour encercler les bancs… Rien n’est laissé au hasard. C’est un mélange de patience, d’intuition et d’une connaissance intime des fonds marins qui entourent nos îles. C’est un travail rude, souvent ingrat, mais qui est le pilier de notre culture.
Comme le confie un pêcheur d’ici, résumant bien la complexité de son métier : « « Pendant la première moitié de l’année, nous faisons la traîne, pêchant aux leurres, et les techniques varient selon les conditions et saisons. » » Cette phrase simple cache une science complexe, un savoir qui ne s’apprend dans aucun livre, mais sur le pont d’une saintoise, les mains dans le sel et les yeux rivés sur l’horizon.
Les secrets de nos pêcheurs pour remplir la saintoise :
- Utilisation des casiers pour capturer crustacés et poissons benthiques.
- Pêche à la ligne, notamment à la main, pour traquer des espèces comme la coryphène.
- Emploi des filets maillants et senne pour la pêche en bancs et en surface.
La culture maritime en Guadeloupe : plus qu’un port, une identité
La mer est le cordon ombilical de la Guadeloupe. Elle nous nourrit, nous relie les uns aux autres et au reste du monde. Les Saintes en sont l’expression la plus pure, mais cette identité maritime infuse tout l’archipel. Nos ports ne sont pas que des infrastructures ; ce sont des lieux de vie bouillonnants, des carrefours où se mêlent les histoires des pêcheurs, des commerçants et des voyageurs.
L’importance de cette activité est bien réelle et mesurable. Les chiffres du Grand Port Maritime de Guadeloupe et de l’INSEE montrent que le trafic a atteint 1,150 million de passagers transportés en 2023, ce qui représente une hausse de 39% par rapport à 2022. Ce dynamisme prouve que la mer est au cœur de notre économie et de nos échanges. Chaque billet de navette, chaque conteneur débarqué, chaque poisson vendu sur le quai raconte une partie de cette grande histoire maritime créole.
Le Grand Port Maritime de Guadeloupe le formule ainsi dans son rapport économique :
Le port de Guadeloupe est un carrefour essentiel du transport maritime pour l’archipel, alliant tradition locale et activité économique moderne.
Comprendre cela, c’est comprendre que lorsque vous prenez la navette pour les Saintes, vous ne faites pas que traverser un bras de mer. Vous participez à ce flux vital qui anime la Guadeloupe depuis des siècles, un ballet incessant entre la terre et l’océan, entre la tradition et la modernité.
Alors, la prochaine fois que vous penserez aux Saintes, ne pensez plus à une excursion. Pensez à un séjour, à une immersion. Prenez une chambre pour quelques nuits, levez-vous avec le soleil, regardez les pêcheurs partir et revenez avec eux. C’est la seule façon de repartir avec un peu de notre âme en vous.