
On vous a probablement dit que les Saintes sont une magnifique excursion d’une journée. C’est la plus grande erreur que vous puissiez faire. La vérité, c’est que l’archipel ne commence à respirer et à révéler son âme qu’après 17 heures, au départ du dernier bateau de touristes. Ce n’est pas un guide pour « voir » les Saintes, mais un manuel pour les comprendre, les ressentir et passer du statut de simple visiteur à celui d’invité privilégié.
Chaque matin, c’est le même ballet. Les navettes déversent un flot de visiteurs pressés, armés d’appareils photo et d’un programme minuté. Ils courent au Fort Napoléon, s’entassent sur la plage de Pompierre, avalent un Tourment d’amour et repartent avant le coucher du soleil, persuadés d’avoir « fait » les Saintes. Ils n’ont rien vu. Ils sont passés à côté de l’essentiel, de ce qui fait de notre archipel un lieu si particulier : le silence qui s’installe quand la foule s’en va, la lumière dorée du soir sur la baie, les discussions à voix basse des pêcheurs sur les quais.
L’idée reçue est tenace : les Saintes seraient trop petites pour mériter plus d’une journée. On vous conseille de louer un scooter pour tout voir en quelques heures. Mais si la véritable clé n’était pas de tout voir, mais de prendre le temps de ressentir ? Si la vraie richesse des Saintes se cachait dans ce que les excursionnistes ne voient jamais ? C’est le secret que je veux partager avec vous. L’île a un double visage : celui, agité, qu’elle offre aux touristes, et celui, authentique et paisible, qu’elle réserve à ceux qui lui donnent leur temps.
Cet article est un manuel de « désapprentissage ». Oubliez la course contre la montre. Nous allons explorer ensemble comment choisir votre île, comment vous y déplacer au bon rythme, et surtout, comment découvrir l’âme de cet archipel qui ne se livre qu’à ceux qui savent attendre le départ du dernier bateau.
Pour vous guider dans cette découverte d’une facette plus intime de l’archipel, voici un aperçu des secrets que nous allons dévoiler. Ce guide est conçu pour vous aider à planifier un séjour qui va au-delà de la simple visite touristique et vous plonge au cœur de la vie saintoise.
Sommaire : Le guide pour vivre les Saintes, pas seulement les visiter
- Terre-de-Haut ou Terre-de-Bas : quelle île des Saintes est vraiment faite pour vous ?
 - Comment se déplacer aux Saintes sans voiture : le guide complet de la mobilité insulaire
 - Le Fort Napoléon : bien plus qu’une belle vue, une plongée dans l’histoire des Caraïbes
 - Le Tourment d’amour : où déguster le gâteau le plus célèbre (et le plus secret) des Saintes ?
 - Le guide ultime des plages des Saintes : laquelle choisir et quand y aller ?
 - La saintoise : l’histoire de cette barque unique qui défie encore les vagues
 - Casier, filet ou ligne : les secrets des pêcheurs pour remplir leur saintoise
 - Guadeloupe, l’île aux cent ports : une plongée dans la culture maritime créole
 
Terre-de-Haut ou Terre-de-Bas : quelle île des Saintes est vraiment faite pour vous ?
C’est la première question, et la plus importante. Ne vous laissez pas tromper par leur proximité, ces deux sœurs n’ont pas le même caractère. Terre-de-Haut, c’est la vitrine. C’est là que tout le monde débarque. Elle est belle, animée, avec son bourg aux rues colorées, ses restaurants et ses boutiques. C’est l’image de carte postale, vivante et parfois bruyante, surtout entre 10h et 16h. Avec ses 5,22 km², elle concentre l’essentiel de l’activité touristique.
Terre-de-Bas, c’est l’âme discrète de l’archipel. Plus grande avec ses 9,45 km², elle est aussi infiniment plus calme. Ici, pas de foule, pas d’agitation. On y vient pour la tranquillité, les sentiers de randonnée qui serpentent dans une nature plus sauvage et une immersion dans une vie locale qui semble figée dans le temps. Le rythme y est plus lent, plus authentique. C’est l’endroit idéal pour se déconnecter et comprendre ce qu’est vraiment la vie insulaire, loin du vernis touristique.
Le choix est simple : si vous cherchez l’animation, les commodités et que vous avez peu de temps, Terre-de-Haut vous comblera. Mais si vous êtes ici parce que vous avez suivi mon conseil, parce que vous voulez sentir le pouls véritable des Saintes, alors donnez sa chance à Terre-de-Bas. C’est là que le silence parle et que l’on comprend pourquoi les Saintois sont si fiers de leur caillou. Passez une nuit à Terre-de-Haut pour l’ambiance, mais réservez-en deux à Terre-de-Bas pour l’expérience.
Comment se déplacer aux Saintes sans voiture : le guide complet de la mobilité insulaire
Ici, la voiture n’a pas sa place. Et c’est tant mieux. Le moyen de transport que vous choisirez dictera le rythme de votre séjour et la nature de vos découvertes. L’option la plus courante, le scooter, est un piège pour le visiteur pressé. Il vous emmènera partout, c’est vrai, mais trop vite. Vous survolerez les paysages sans jamais vous y arrêter vraiment. C’est l’outil du touriste, pas du voyageur.
Pour vraiment vous imprégner du rythme saintois, privilégiez la mobilité douce. La marche est idéale pour explorer les environs du bourg et accéder à des criques cachées. Mais le véritable roi de l’île pour celui qui prend son temps, c’est le vélo électrique. Il vous permet d’affronter les mornes sans effort démesuré tout en restant connecté à votre environnement. Vous entendez les oiseaux, vous sentez le parfum des fleurs, vous pouvez vous arrêter à tout moment pour échanger un bonjour. Le coût de la location, qui se situe généralement entre 25 et 40 euros par jour pour une autonomie de 50 à 80 km, est un investissement dans la qualité de votre expérience.
Cette approche du déplacement change tout. Vous ne cherchez plus à « faire » une liste de sites, mais à vous laisser porter par le chemin. C’est en pédalant tranquillement sur la route du Pain de Sucre au crépuscule que vous croiserez les Saintois qui rentrent chez eux et que vous saisirez la véritable atmosphère de l’île, une fois le calme revenu.

Comme vous le voyez, l’île invite à un rythme plus lent, où chaque virage révèle une nouvelle perspective sur la baie. Adopter ce mode de transport, c’est déjà commencer à vivre à l’heure saintoise. C’est un choix qui transforme une simple visite en une véritable immersion.
Le Fort Napoléon : bien plus qu’une belle vue, une plongée dans l’histoire des Caraïbes
Tous les guides vous diront d’aller au Fort Napoléon pour la vue panoramique sur la baie des Saintes, classée parmi les plus belles du monde. Ils ont raison, la vue est à couper le souffle. Mais s’arrêter à cela, c’est comme lire le titre d’un livre sans jamais l’ouvrir. Le Fort est avant tout un livre d’histoire à ciel ouvert, le témoin silencieux des batailles navales qui ont fait rage entre Français et Anglais pour le contrôle de ce point stratégique des Antilles.
Prenez le temps de marcher sur ses remparts. Chaque pierre a une histoire à raconter. Officiellement classé Monument Historique depuis 1997, ce lieu n’est pas un simple décor de carte postale. Comme le rappelle Gwada Tourisme, « Le Fort Napoléon, rebâti après la guerre de 1809, est un monument historique emblématique témoignage des rivalités franco-anglaises aux Antilles. » En visitant le petit musée à l’intérieur, vous comprendrez mieux l’importance de notre archipel dans la grande histoire des Caraïbes. Vous ne regarderez plus la baie de la même façon, imaginant les frégates manœuvrant dans ces eaux turquoise.
Et puis, il y a le jardin. Ce n’est pas un simple aménagement paysager. Le jardin botanique du fort est un sanctuaire pour les espèces végétales endémiques et un refuge pour une faune surprenante. Vous y croiserez à coup sûr des iguanes, se prélassant au soleil, totalement indifférents à votre présence. Ils sont les véritables gardiens du fort. C’est cette combinaison unique entre histoire militaire et sanctuaire écologique qui donne au Fort Napoléon toute sa profondeur.

En y montant à pied, tôt le matin, vous éviterez la foule et la chaleur. Vous aurez le fort pour vous seul, et c’est dans ce silence que vous pourrez vraiment écouter ce que les vieilles pierres ont à vous dire. La vue n’en sera que plus belle.
Le Tourment d’amour : où déguster le gâteau le plus célèbre (et le plus secret) des Saintes ?
Le Tourment d’amour est partout sur Terre-de-Haut. Des femmes en tenues traditionnelles vous le proposent dès la sortie du bateau. C’est le passage obligé du touriste. Mais laissez-moi vous confier un secret de Saintois : tous les Tourments d’amour ne se valent pas. Loin de là. Cette petite pâtisserie, née, comme le dit la tradition, « de la tendresse des femmes de marins », est devenue un produit d’appel, et sa qualité s’en ressent parfois.
L’authentique Tourment d’amour, celui que préparaient nos grands-mères, est un équilibre fragile. Une pâte brisée fine mais pas sèche, une génoise aérienne et une confiture – coco, goyave ou banane – généreuse mais pas écœurante. Le secret réside dans des gestes précis et des ingrédients de qualité, un savoir-faire qui se perd un peu face à la demande de masse. Le vrai gâteau saintois se différencie d’une version « touristique » par la fraîcheur de sa garniture et la texture de sa pâte.
Alors, où le trouver ? Ne vous jetez pas sur le premier stand venu. La meilleure technique est celle du Saintois : demandez. Engagez la conversation avec un commerçant, un pêcheur, le propriétaire de votre gîte. Demandez-lui où LUI va acheter son Tourment d’amour. C’est souvent dans une petite pâtisserie discrète, un peu à l’écart de la rue principale, que se cache la perle rare. Le meilleur Tourment d’amour n’est pas celui qu’on vous vend, mais celui que vous méritez de trouver. C’est une quête, et la récompense n’en est que plus douce.
Le guide ultime des plages des Saintes : laquelle choisir et quand y aller ?
On vient aux Saintes pour ses plages, c’est un fait. Mais là encore, l’expérience du voyageur qui reste dormir est radicalement différente. Il ne subit pas la plage, il la choisit. Il peut en profiter aux meilleures heures : tôt le matin, quand le sable est encore frais et désert, ou en fin d’après-midi, pour le spectacle du soleil couchant. Chaque plage a son moment, son caractère et ses secrets.
La plage de Pompierre est la plus célèbre, avec ses cocotiers et son anse protégée. Magnifique, mais bondée à midi. Allez-y à 8h du matin, vous l’aurez pour vous seul. Le Pain de Sucre, iconique, est un joyau qui se mérite après une petite marche. Son charme opère surtout lorsque la lumière décline. Pour plus de tranquillité, explorez l’Anse du Figuier, une plage plus sauvage et souvent déserte. Les plages des Saintes ne sont pas toutes identiques ; certaines comme Pain de Sucre ou Petite Anse sont particulièrement abritées des vents, ce qui les rend agréables quelle que soit la saison.
Mais le vrai luxe, c’est de pouvoir s’adapter aux caprices de la nature. Votre séjour prolongé vous permet de composer avec deux phénomènes majeurs. D’une part, il faut savoir que certaines plages peuvent être touchées par les sargasses, principalement entre mai et septembre. D’autre part, la période de juin à octobre est celle de la ponte des tortues. Être sur place permet de choisir la plage la plus préservée le jour J et, avec un peu de chance, d’assister à ce spectacle magique, toujours à distance respectueuse.
Votre plan d’action pour des plages authentiques
- Inventaire des plages : Listez les plages accessibles (Pompierre, Pain de Sucre, Figuier) et renseignez-vous sur leur exposition au vent et aux sargasses le jour même.
 - Timing : Choisissez votre plage en fonction de l’heure. Pompierre le matin, Pain de Sucre en fin de journée, et les criques secrètes entre les deux.
 - Respect de la faune : Si c’est la saison, renseignez-vous sur les zones de ponte des tortues et gardez une distance de sécurité, en utilisant des jumelles pour l’observation.
 - Équipement : Prévoyez de l’eau, un chapeau, mais aussi un masque et un tuba. Les fonds marins autour du Pain de Sucre sont particulièrement riches.
 - Intégration locale : Observez où les locaux se baignent. C’est souvent le meilleur indicateur d’une plage agréable et préservée.
 
La saintoise : l’histoire de cette barque unique qui défie encore les vagues
Pour comprendre les Saintes, il faut comprendre la saintoise. Cette barque de pêche traditionnelle n’est pas qu’un simple bateau, c’est le cœur battant de notre culture. Vous la verrez partout, dansant sur les vagues dans la baie, avec sa coque effilée et ses couleurs vives. Elle est le fruit d’un savoir-faire ancestral, une réponse parfaite aux conditions de navigation de notre canal parfois capricieux.
La saintoise, plus qu’un bateau, est un élément fondamental de l’identité sociale et culturelle de l’archipel des Saintes.
– La Petite Villa des Saintes, Présentation culturelle de la saintoise
Traditionnellement, les saintoises sont fabriquées à la main à Terre-de-Haut, par des charpentiers de marine qui se transmettent les techniques de génération en génération. Ils utilisent des bois locaux comme le gommier ou le poirier pays, choisis pour leur souplesse et leur résistance. La construction est un processus long et minutieux, un véritable art. Chaque saintoise est unique, adaptée à la main du pêcheur qui la commandera.
À l’origine conçue pour la pêche, son design a évolué pour s’adapter aux régates. Aujourd’hui, la saintoise est aussi une bête de course, et les compétitions de voile traditionnelle sont des moments de ferveur populaire intenses. Elles sont le symbole de notre fierté, de notre résistance et de notre lien indéfectible avec la mer. Quand vous voyez une saintoise fendre les flots, vous ne voyez pas seulement une embarcation, vous voyez l’âme des Saintes en mouvement.
Casier, filet ou ligne : les secrets des pêcheurs pour remplir leur saintoise
Le matin, bien avant que les premiers touristes ne débarquent, le vrai spectacle des Saintes a déjà eu lieu. C’est le retour des pêcheurs. Observer leurs gestes précis, écouter leurs échanges en créole, voir le poisson frétiller au fond des barques… c’est une plongée dans l’économie et la culture vivante de l’île. La pêche ici n’est pas un folklore, c’est le pilier de notre communauté.
Nos pêcheurs ne partent pas au hasard. Ils lisent la mer, le ciel et même la lune. Beaucoup vous le diront, leur expérience est corroborée par des traditions qui ont la vie dure : la pêche est souvent meilleure à certaines périodes du cycle lunaire. Selon les spécialistes, les périodes entre le dernier et le premier quartier lunaire sont souvent considérées comme optimales en mer des Caraïbes. C’est un savoir qui se murmure sur les quais, un mélange de science et de tradition.
La technique de pêche dépend ensuite de la zone et de la prise ciblée. Le casier est utilisé près des fonds rocheux pour attraper les langoustes et les poissons de roche. Le filet est déployé sur les herbiers ou les fonds sableux. La ligne, elle, est privilégiée dans les zones plus ouvertes pour les plus gros poissons comme le thon ou la dorade. Chaque technique demande une connaissance parfaite des fonds marins et du comportement du poisson. C’est cette expertise qui permet d’approvisionner les restaurants de l’île en produits frais et de faire vivre de nombreuses familles.
À retenir
- L’expérience authentique des Saintes commence après 17h, une fois les excursionnistes partis. Un séjour d’une nuit minimum est indispensable.
 - Le choix entre Terre-de-Haut (animée) et Terre-de-Bas (sauvage) est crucial et doit correspondre à vos attentes de tranquillité et d’authenticité.
 - Privilégiez la mobilité douce (vélo électrique, marche) au scooter pour vous imprégner du rythme lent et découvrir les secrets de l’île.
 
Guadeloupe, l’île aux cent ports : une plongée dans la culture maritime créole
Les Saintes ne sont pas une simple annexe de la Guadeloupe. Elles en sont le cœur maritime, le conservatoire d’une culture de la mer qui a façonné l’identité de tout l’archipel. Les marins saintois ont toujours eu une réputation à part. Leur savoir-faire en matière de navigation, hérité de leurs ancêtres bretons et normands, est reconnu dans toutes les Caraïbes. Ils connaissent chaque courant, chaque rocher, chaque souffle de vent.
Cette culture maritime imprègne tout : la langue, les croyances, la cuisine. Pour vraiment vous immerger, il faut en apprendre quelques mots. Ne dites pas « la saintoise », mais la « sentwaz« . Un rocher se dit « woch« . Ces quelques termes créoles sont des clés qui peuvent ouvrir des portes et transformer un simple échange en une véritable conversation. C’est une marque de respect qui est toujours appréciée.
La mer est aussi source de croyances et de traditions. La fête des marins, les superstitions pour se protéger des tempêtes, les rites pour s’assurer une bonne pêche… tout cela témoigne d’un lien profond, presque mystique, entre la communauté et l’océan. C’est une culture de l’humilité face aux éléments, une sagesse que l’on ne peut comprendre qu’en prenant le temps d’écouter les histoires des anciens.
Alors, la prochaine fois que vous penserez aux Saintes, ne voyez pas une simple excursion. Voyez une invitation. L’invitation à ralentir, à écouter et à découvrir une culture riche et authentique. Pour cela, l’étape suivante est simple : au lieu de réserver un aller-retour dans la journée, planifiez de passer au moins une nuit sur place. C’est le seul moyen de voir ce que les autres ne voient jamais.